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L’Association Internationale des travailleurs dans l’agglomération rouennaise. Naissance, ancrage et répression de l’esprit internationaliste

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Affiche sur la loi interdisant l’Internationale en France (Archives Départementales de Seine-Maritime, 4M2704) 

L’existence de l’organisation ouvrière à Rouen est attestée dès 1865. Au fil du temps, le nombre de ses adhérents de l’association ne cesse de croitre, dépassant les 1000 membres. Cependant, l’AIT n’est pas seulement implantée dans la ville aux cent clochés. En effet, des sections sont présentes dans les villes voisines comme Darnétal. L’influence de la fédération est importante dans l’agglomération rouennaise, comme en témoigne, la création d’une section dans la ville industrielle d’Elbeuf. Sa présence n’est révélée que lors du congrès de 1866. Il n’en reste pas moins que l’activité de l’Internationale dans la région elbeuvienne ne se développe qu’en 1868. L’Internationale va donc au cours de son existence marquer la vie de l’agglomération rouennaise tant dans le domaine politique que social. Pour cela, notre article s’articulera autour de trois thèmes, celui du vote, de la grève et la Commune de Paris.

« Planter le drapeau de la démocratie ouvrière[1] »

            Les élections législatives de mai 1869 marquent une étape importante dans la vie des internationaux français, notamment rouennais. Avec ce scrutin, les membres de l’AIT font leurs premiers pas dans le paysage politique français. Certains membres de l’organisation se présentent à la députation, c’est le cas d’Émile Aubry, ouvrier rouennais, lithographe et secrétaire-correspondant de la fédération rouennaise (deux premières circonscriptions du département). L’internationaliste est alors investi par une large majorité d’ouvriers lors d’une réunion organisée en mai 1869. Les adhérents de l’organisation ouvrière, et en particulier Aubry, prennent pleinement conscience de l’importance d’un tel scrutin. En effet, est noté dès l’en-tête du programme du candidat ouvrier rouennais : « Si les ouvriers en 1869 votent encore pour leurs patrons politiques, ils retarderont leur affranchissement de cinquante ans[2] ». Le but étant ainsi de montrer toute l’importance du vote dans l’émancipation ouvrière. De fait, dans son programme l’internationaliste défend la décentralisation, l’interdiction de l’armée permanente, la séparation des Églises et de l’État ou encore les libertés d’association, de réunion…

Après avoir mené campagne, Aubry n’obtient que 826 voix dans la 1re circonscription contre 287 dans la seconde. Malgré ce score très faible, l’internationaliste prend conscience du rôle des électeurs ouvriers dans la politique locale, dans le sens où « la démocratie ouvrière […] a conquis son droit de cité ![3] » et maintien sa candidature pour le second tour. Cependant, Aubry peine à convaincre un grand nombre d’électeurs, les résultats finaux sont encore plus faibles que lors du premier tour (110 voix). Cet échec électoral s’explique comme nous avons pu le voir dans notre article précédent par la « non-unanimité au sein de la classe ouvrière locale ou encore [la] présence de candidats démocrates influents[4] ».

Outre les élections législatives de 1869, les internationaux rouennais prennent part à de multiples scrutins dont le plébiscite du 8 mai 1870. Les membres de l’AIT rédigent alors un manifeste dénonçant la politique impériale (augmentation des impôts, concentration des pouvoirs…). Dans ce même manifeste, les ouvriers rouennais prônent le vote blanc ou nul afin de contester les méthodes de l’empereur. Cette volonté de ne pas s’abstenir est alors expliquée aux électeurs par ces mots : « les adversaires du suffrage universel populaire [diront que] le peuple tient peu compte du suffrage universel […], il reste chez lui chaque fois que vous lui faites appel. C’est donc aller au-devant de sa pensée en demandant le suffrage restreint [5]».

La consigne des internationaux est-elle suivie ? Le « non » l’emporte à Rouen 48 % des suffrages contre 47 % pour le « oui ». Au total, les votes nuls ou blancs correspondent à 915 suffrages dans la première circonscription de la Seine-Inférieure.

La solidarité internationaliste en action

Le recours à la grève offre ici un bon exemple de la solidarité ouvrière. Cette pratique, comme nous l’évoquions dans notre billet précédent, permet de développer au sein de l’organisation ouvrière une citoyenneté sociale internationaliste. Cette citoyenneté étant caractérisée par la lutte contre les inégalités et par conséquent le combat pour l’égalité de tous les citoyens. Cette solidarité s’exprime en particulier par un soutien financier de la part des internationaux. En effet, les grévistes ne touchant plus de rémunération, doivent faire face au coût important de la vie. Pour les aider dans leur combat et à survivre, des prêts se mettent en place au sein des différentes sections de l’AIT en France comme à l’étranger. La grève des fileurs d’Elbeuf en est un bon exemple. Les revendications des fileurs sont simples : travailler moins tout en étant mieux payés. Dans une volonté de ne pas bouleverser le travail, ces derniers écrivent à leurs employeurs afin de négocier. Cependant, la lettre des ouvriers reste sans réponse. Ces derniers se mettent alors en grève le 27 septembre 1869. Dès le début du mois d’octobre, les fileurs d’Elbeuf font appel à la section rouennaise de l’AIT pour tenter d’obtenir une aide financière afin de continuer la lutte. De fait, les internationaux rouennais lancent un appel à leurs camarades : « Nous sommes tous solidaires : nos frères vaincus, c’est la certitude de l’être à notre tour demain, si nous tentons comme eux de défendre nos intérêts, qui sont nos salaires[6] ». Pour toucher un maximum de public, les membres de l’AIT publient leur adresse dans différents journaux. De son côté, Émile Aubry contacte son camarade lyonnais, Albert Richard pour lui demander de l’aide : « La Fédération […] m’a chargé de vous prier de contacter en son nom auprès des corporations lyonnaises un emprunt, pour aider à soutenir la lutte, qui vous sera remboursé sans un court délai[7] ». Cependant, la grève prend fin le 18 octobre faute d’aides financières suffisantes.

Vive la Commune de Paris !

            Suite aux événements survenus dans la capitale le 18 mars 1871, Émile Aubry descend à Paris. Ce dernier souhaite ainsi participer à l’entreprise communale en se présentant aux élections du 23 mars dans le viiie arrondissement. Malheureusement pour lui, le lithographe rouennais n’obtient que 1740 voix, ce qui ne lui permet d’être élu pour siéger dans l’assemblée communale. Alors que le secrétaire-correspondant reste à Paris, qu’en est-il de l’activité de la section rouennaise durant la Commune ? Durant les mois de mars et d’avril, se développe une correspondance plus ou moins soutenue entre la section de Rouen et Paris. Selon le commissaire de police de l’agglomération, les ouvriers rouennais cherchaient « à connaitre le jour du départ des Prussiens, car Aubry n’attendait que ça pour venir proclamer la Commune à Rouen [8]». La question de l’adhésion à la Commune est posée aux membres de l’organisation le 24 avril. En effet, au cours de cette rencontre, une lettre d’Aubry est lue. L’ouvrier, toujours présent dans la capitale, encourage ses camarades à adresser leur adhésion à la Commune. De fait, un manifeste en faveur de l’épisode révolutionnaire est rédigé. Les ouvriers « saluent avec enthousiasme l’avènement de la Commune de Paris et adhèrent sans réserve à son programme [9]». Durant cette même réunion, les internationaux se mobilisent contre les élections municipales prévues par le pouvoir versaillais le 30 avril. Ces derniers proposent deux consignes de vote : l’abstention ou le vote blanc en y inscrivant leur adhésion à la Commune. De fait, les ouvriers font jouer leur citoyenneté politique en ayant recours à une abstention rationnelle. Cependant, face à cette situation, le préfet du département décide d’ordonner l’arrestation de certains internationaux comme Vaughan, Boulanger, Creusot. Ces interpellations sont vécues par Aubry comme une véritable « razzia [de] citoyens dévoués à la cause du peuple » pour reprendre ces mots.

La répression contre les internationaux

Suite aux épisodes révolutionnaires parisiens, Émile Aubry est condamné le 12 mars 1874 par contumace à « la déportation dans une enceinte fortifiée pour faits insurrectionnels [10]». En effet, après la Commune, Aubry reste à Paris où il changea plusieurs fois de logement mais quitte le pays en 1873 comme le stipule un rapport de la sureté générale au ministre de l’Intérieur : « Le M. Aubry, suivant les renseignements qui nous sont parvenus, résiderait à Bruxelles depuis qu’il fait l’objet des poursuites dirigées contre lui[11] ». D’autres internationaux dont des rouennais sont arrêtés après les troubles parisiens. Cette vague d’arrestations s’explique notamment par la promulgation de la loi du 14 mars 1872, faisant de l’adhésion à l’AIT, « un attentat contre la paix publique[12] ».

Cet article est issu du mémoire de Clément Lestiboudois-Malandain, dirigé par Jean-Numa Ducange, et soutenu en juillet 2021 à l’université de Rouen-Normandie.  Le mémoire s’intitule Être citoyens, ouvriers et internationaux. L’appropriation du concept de citoyenneté chez les ouvriers français membres de la Première internationale (1864-1872). Etude des fédérations de Paris, Rouen, Lyon et Marseille.

 

Notes :

[1] A.D.S.M., 3M236, Déclaration de candidatures, 1re circonscription électorale. Élections législatives de 1869. Circulaire électorale, Aubry.

[2] BOIVIN, Marcel. Le mouvement ouvrier dans la région de Rouen : 1851-1876. 2, Le Cercle d’études économiques de Rouen et la Fédération ouvrière rouennaise : documents. Mont Saint Aignan, France : Publications de l’Université de Rouen, 1989, p. 150.

[3] A.D.S.M., 3M236, déclaration de candidatures, 1ère circonscription électorale : circulaire de ballotage, Aubry.

[4] LESTIBOUDOIS-MALANDAIN, Clément. Être citoyens, ouvriers et internationaux. EUROSOC, 2021 [consulté le 2/05/22] : https://eurosoc.hypotheses.org/1893

[5] Ibid.

[6] BOIVIN, Marcel. T.2, Op, cit, p. 189.

[7] Ibid. p. 191.

[8] A.D.S.M., 10M331, Conflits du travail, lettre du commissaire central au préfet de la Seine-Inférieure, 13 juillet 1871.

[9] BOIVIN, Marcel. T.2, Op, cit. p. 341.

[10] A.D.S.M., 4M2693, Communards : avis de recherche pour les condamnés par contumace. Lettre du ministère de l’Intérieur au préfet de la Seine-Inférieure, 31 juillet 1874.

[11] A.D.S.M., 4M2693, Communards : avis de recherche pour les condamnés par contumace. Rapport de la sureté générale au ministre de l’Intérieur, 5 novembre 1874.

[12] A.D.S.M., 4M2704, L’Internationale et la Commune. Loi du 14 mars 1872 interdisant l’A.I.T.

Billets, éléments bibliographiques / bibliography, France

Être citoyens, ouvriers et internationaux

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Être citoyens, ouvriers et internationaux

L’appropriation du concept de citoyenneté chez les ouvriers français membres de la Première Internationale (1864-1872)

Étude des fédérations de Rouen, Paris, Lyon et Marseille.

 

Résumé d’un mémoire de Master 2 soutenu par Clément Lestiboudois-Malandain sous la direction de Jean-Numa Ducange à l’Université de Rouen Normandie.

 

Reproduction d’une photographie des participants au Congrès de Bâle de 1869, Anonyme

 

« En France, pays du suffrage universel et de l’égalité, l’ouvrier est encore citoyen lorsqu’il a franchi les portes de l’atelier ou de la fabrique[1]». Notre objet d’étude pourrait ainsi être résumé par cette phrase issue d’un plaidoyer rédigé par les internationaux parisiens en soutien aux ouvriers tisseurs de Roubaix en grève en 1867. Avant de rentrer dans le cœur du sujet, un travail de définitions s’impose. Le terme de citoyenneté, notion clef de ce travail mérite d’être développé. C’est durant l’Antiquité, dans les cités démocratiques grecques, qu’émerge la citoyenneté équivalant alors à l’idée de la participation à la chose publique. Éclipsée à la fin de la période antique, cette notion connaît une résurgence grâce à la Révolution française. En effet, l’appellation de citoyen, prônée par les révolutionnaires cherche à promouvoir l’égalité et la fraternité entre les Français. À la fin du XIXème siècle, la citoyenneté s’exerce principalement par le droit de vote qui fonde sa dimension juridique. Comportant aussi une dimension sociale, l’exercice de la citoyenneté se « caractérise par une action transitive sur autrui et sur la société[2]». Notre travail cherche ainsi à étudier cette notion de citoyenneté en lien avec celle de la Première Internationale. Qualifiée comme la première structure dans laquelle le mouvement ouvrier est organisé, l’A.I.T. se développe en France dès 1865. Cette étude est alors concentrée sur quatre pôles : Rouen, Paris, Lyon et Marseille.

 

Ainsi ce travail tend à comprendre les moyens par lesquels les ouvriers internationaux français ont pu s’approprier cette notion de citoyenneté dans leur volonté de s’affranchir de la tutelle de la bourgeoisie. Nos recherches permettent ainsi de montrer ô combien cette notion est plurielle.

 

Le citoyen dans la cité

 La citoyenneté politique reste l’un des meilleurs exemples permettant d’illustrer l’appropriation du concept de citoyenneté par les internationaux. Les candidatures ouvrières internationalistes en sont un exemple. De fait, deux internationaux se présentent aux élections législatives de mai 1869 : Émile Aubry pour la 1ère et 2ème circonscription de la Seine-Inférieure et Henry pour la 1ère circonscription de la Seine. Ces candidats entendent alors « planter le drapeau de la démocratie ouvrière[3]» pour défendre en priorité l’affranchissement du prolétariat. Ces candidatures ont été l’occasion en particulier pour les internationaux rouennais de prendre part à cette campagne électorale. Ces derniers ont pu être consultés dans le choix de leur candidat et sur son programme. Cependant, ces candidatures furent un échec pour diverses raisons : non-unanimité au sein de la classe ouvrière locale ou encore présence de candidats démocrates influents tels que Gambetta face à Henry. En effet Henry n’obtient que 47 voix contre une centaine pour son camarade rouennais.

Rythmée par des consultations électorales, notre étude analyse ainsi la participation des internationaux durant ces différents scrutins mettant ainsi en lumière le vote par intermittence des membres de l’A.I.T, vote s’expliquant en partie par l’offre électorale proposée aux citoyens. Dans ce cas de figure, trois solutions s’offrent aux internationaux : participer en respectant l’offre électorale, s’abstenir de manière pure et simple ou s’abstenir civiquement c’est-à-dire déposer un bulletin nul ou blanc, « S’abstenir en votant[4]» pour reprendre les mots des internationaux rouennais lors du plébiscite du 8 mai 1870. De fait, l’abstention chez les membres de l’A.I.T. revêt un caractère civique dans le sens où cette action ne dévalorise pas le vote mais est un outil de contestation comme un autre. Par cette abstention, les internationaux condamnent le régime en place et veulent affirmer leur désir d’une République démocratique et sociale.

 

De la paix à la guerre : émergence de la citoyenneté combattante

 Alors que la guerre franco-prussienne voit le jour en juillet 1870, les internationaux français n’hésitent pas à s’opposer à ce conflit en publiant des adresses prônant l’union avec les travailleurs Allemands. Affirmant leur citoyenneté pacifique, ces derniers défendent l’abolition des frontières entre les deux pays : « Quoi qu’il arrive de nos efforts communs, nous, membres de l’Association Internationale des Travailleurs qui ne connaissons plus de frontières[5]». Proclamée le 4 septembre 1870, la République est perçue par les internationaux comme une possibilité de réaliser leur projet, s’émanciper. De fait, les membres de l’A.I.T. publient de nouvelles adresses, en utilisant un ton offensif, ces derniers voulant défendre la France nouvellement républicaine, le conflit prend alors une autre signification et se républicanise. La notion de frontière est ainsi affirmée dans les divers documents émis par les membres de l’A.I.T. comme l’illustre une adresse des internationaux marseillais : « L’honneur de votre parole, votre serment vous ordonnent de regagner vos frontières[6]». Dans cette dynamique combattive, les internationaux s’organisent en faisant partie de comités républicains dont l’un des principaux buts est d’assurer la levée en masse des citoyens comme en témoigne une déclaration des membres de l’A.I.T. de Rouen : « Aux Armes ! Aux Armes ![7]».

 

L’émergence d’une citoyenneté sociale internationaliste

 Mis à part l’aspect politique, l’un des moyens les plus utilisés par les internationaux pour tenter de s’émanciper reste la pratique de la grève. Pratique sociale par excellence, la participation au débrayage chez les internationaux ne fit pas l’unanimité au moment de la formation de l’organisation. Cependant, par la multiplicité des conflits à la fin des années 1860, le soutien à ces grèves est une évidence. En aidant les ouvriers mobilisés, une citoyenneté sociale internationaliste se développe mobilisant ainsi les membres de l’A.I.T. pour permettre aux ouvriers grévistes de faire triompher leurs revendications afin de tendre vers une égalité et une indépendance sociale. Cette citoyenneté est alors centrée sur un réseau d’entraide dont la fraternité est le pilier naturel. Par l’exercice de cette citoyenneté le citoyen s’efface pour devenir un frère. Les grèves ovalistes lyonnaises (juillet 1869) et celle des fileurs d’Elbeuf (septembre-octobre 1869) permettent ainsi de mettre en pratique cette fraternité. Dans les deux cas, un réseau d’entraide se développe, des sommes sont envoyées à la fois par des internationaux français et étrangers pour permettre à leurs frères et sœurs de continuer la lutte. Cependant, ces aides peuvent être faibles et/ou limitées ne permettant pas une réalisation complète des revendications.

 

Les Communes : carrefours de citoyennetés

 Les internationaux communards ont pu mobiliser diverses citoyennetés en commençant par la citoyenneté politique. En effet, lors des élections communales du 30 mars 1871, nous avons pu recenser 84 candidatures internationalistes sur les 297 présentées. À la suite du scrutin, nous avons pu comptabiliser au moins 34 élus internationaux sur un total de 91 sièges[8]. Une fois élus, ces derniers pouvaient siéger dans des commissions dont l’objectif principal était de proposer des réformes au conseil communal. Au total ce ne sont pas moins de 32 internationaux qui participent au travail de ces commissions sur 63 communards[9]. Par leur présence dans la sphère politique, ces internationaux sont amenés à prendre diverses mesures permettant de favoriser l’affranchissement du peuple Parisien tels que le moratoire sur les loyers, la réorganisation des ateliers abandonnés… Cependant, face à la menace que représente le pouvoir établi à Versailles, les communards internationaux s’organisent militairement parlant, mobilisant ainsi une citoyenneté combattante. Certains sont alors membres du comité central de la garde nationale tandis que d’autres exercent des fonctions armées ou prennent les armes lors de la semaine sanglante et se défendent en s’appropriant l’espace urbain par le biais de barricades, ou en provoquant des incendies.

En province, des Communes éphémères ont pu voir le jour aussi bien à Lyon qu’à Marseille durant lesquelles les internationaux ont pris part aux événements sans pour autant en être les instigateurs. Carrefours des citoyennetés par excellence, ces événements ont été l’occasion pour les internationaux de ces deux villes de mobiliser leur citoyenneté politique en prenant part à diverses commissions permettant ainsi d’avoir une réelle réflexion sur l’aspect communal de ces embryons révolutionnaires et leurs apports sur l’émancipation. La citoyenneté combattante a, elle aussi, été mobilisée par ces internationaux (répressions subies à Marseille le 4 avril et à Lyon le 30 avril 1871) dans leur volonté de faire triompher l’idéal communaliste pour pouvoir instaurer la « vraie République », celle permettant l’émancipation des travailleurs.

 

L’étude des citoyennetés sous le prisme des ouvriers membres de l’A.I.T. permet ainsi de montrer les divers moyens par lesquels les ouvriers tentent de s’affranchir de la tutelle de la classe possédante. Ainsi, les élections, les grèves mais aussi le combat permet à ces travailleurs de s’imposer dans la cité, faisant d’eux bel et bien des citoyens.

 

Clément Lestiboudois-Malandain

[1] Note publique utilisée dans la défense des internationaux parisiens lors de leur procès en 1868.

[2] BADIE, Bertrand. BIRNBAUM, Pierre. BRAUD, Philippe et HERMET, Guy. Dictionnaire de la Science politique et des institutions politiques. Paris, A. Colin, 2010, p. 50.

[3] A.D.S.M., 3M236, Élections législatives de 1869. Circulaire électorale d’Émile Aubry.

[4] BOIVIN, Marcel. Le mouvement ouvrier dans la région de Rouen : 1851-1876. 2, Le Cercle d’études économiques de Rouen et la Fédération ouvrière rouennaise : documents. Mont Saint Aignan, Publications de l’Université de Rouen, 1989, p. 248.

[5] Adresse des internationaux parisiens in DUCLOS, Jacques. La première Internationale. Paris, Éditions Sociales, 1964, p. 215.

[6] Les révolutions du XIXe siècle, 1852-1872. T.5, l’association internationale des travailleurs en France. Paris, EDHIS, 1988.

[7] BOIVIN, Marcel. T. 2, Op. cit, p. 292.

[8] J.O.R.F., n° 90, 31 mars 1871.

[9] J.O.R.F., n° 89, 30 mars 1871.